Recherche par auteur > Jolivet Vincent

Paradoxalement, chez les Étrusques, l'espace des morts est un espace aussi intensément vécu que celui des vivants. Situées, comme dans le monde romain, le long des voies d'accès aux cités, dont les sépare l'enceinte, les nécropoles étaient parcourues quotidiennement par leurs habitants, et leurs tombes les plus prestigieuses entretenaient un dialogue visuel avec la cité, rappelant ainsi la contribution des grandes familles à leur prospérité.

C'est particulièrement le cas, à partir du début de la période hellénistique, dans les nécropoles rupestres des petites cités-satellites des territoires de Tarquinia et de Vulci, où des habitats d'extension modeste sont encerclés de centaines de tombes gentilices à façade monumentale. Les plus imposantes d'entre elles – celle de Grotte Scalina près de Musarna et la tombe Lattanzi de Norchia –, dotées de très vastes salles de banquet funéraire à la grecque, permettent de restituer, fût-ce hypothétiquement, différentes phases du rapport qui s'instaure à la faveur des funérailles entre les vivants et les morts : consommation d'aliments et de boissons, poèmes, évocations du mort, musique, danse, libations, semblent s'être déroulées près de l'entrée de la tombe, décorée de guirlandes végétales, devant la fausse porte qui indiquait formellement la division entre les deux mondes, et en respectant une stricte séparation des genres ; sur le toit des monuments, les cippes individuels symbolisant les différents défunts faisaient alors l'objet de libations, mais aussi, parfois, de procédures d'abolitio memoriae qui les excluaient définitivement du monde des vivants. Dans le courant de la période hellénistique, le banquet à la grecque est remplacé dans des tombes plus modestes par le banquet à la romaine, dont témoignent plusieurs espaces aménagées en triclinia, simple ou double. L'enjeu de ces manifestations, probablement idéalement données en présence des trois juges des Enfers, était d'assurer au défunt une place conforme à son rang dans l'Au-Delà, au travers d'une cérémonie fastueuse et rigoureusement normée, en confortant ainsi la place de sa famille dans la cité des vivants.