Les édifices de spectacle des provinces de Gaule romaine participaient pleinement à la vie culturelle et religieuse de la cité. Ils constituaient aussi l'un des lieux d'expression privilégié des pratiques évergétiques des élites provinciales, ce qui a favorisé leur multiplication dans les provinces gauloises du Haut-Empire à l'Antiquité tardive. Au cours de cette dernière période, le ralentissement du polythéisme et la mutation de la compétition municipale entre les élites, qui ne recourent plus à l'évergésie des spectacles comme un levier social, mènent à un abandon progressif des monuments par les cités. De quelles façons ces transformations s'opèrent-elles et quelles fonctions recouvrent dès lors les théâtres et lles amphithéâtres de Gaule romaine ? À travers plusieurs exemples, nourris par les découvertes archéologiques récentes et d'autres plus anciennes réinterprétées, nous nous attacherons à caractériser les stratégies urbaines et sociales envisagées par les habitants des cités de Gaule romaine. Ces transformations, perçues à travers plusieurs indices matériels, illustrent un changement majeur dans la perception de l'espace urbain par les Anciens. La mise en place de nécropoles dans les arènes et les orchestras abandonnées permet de questionner la réutilisation des monuments alors délaissés en dehors des nouvelles villes du Bas-Empire. Certains édifices de spectacle sont également associés au système défensif de plusieurs villes, remettant en question le rôle des élites dans l'organisation et la priorisation des chantiers de construction. Enfin, les monuments de spectacle traduisent une appropriation progressive de l'espace public à des fins privées : des chantiers de récupération sont organisés ; des squats et des habitats plus ostentatoires investissent les édifices.