Fracturation volontaire et dispersion de vases en céramique à l'occasion de cérémonies commémoratives dans la nécropole de Porta Nocera à Pompéi
François Fouriaux  1@  
1 : Centre Jean Berard
Ecole française de Rome, Centre National de la Recherche Scientifique

La fouille de la nécropole de Porta Nocera à Pompéi a permis de mettre au jour des contextes exceptionnellement bien conservés. Parmi eux, la découverte du niveau de fréquentation de l'un des espaces funéraires pour le quel nous avons mis en place une méthode adaptée à l'étude des gestes rituels accomplis lors de funérailles et lors des fêtes commémoratives récurrentes. En effet, ce contexte a conservé les nombreuses traces laissées par les actes de commémoration. Ce sont en premier lieu des milliers de fragments de gobelets à parois fines, de flacons à parfum et de lampes à huile brisés autour des stèles funéraires. Une analyse fine et la plus exhaustive possible de ces infimes éléments confrontée aux résultats d'une expérimentation archéologique sur les modalités de bris des objets céramiques, a permis de démontrer trois points fondamentaux : les traces observées ont subi très peu de perturbations post dépôt ; les objets ont été brisés intentionnellement ; plusieurs modalités de bris ont été employées.

Sur ce dernier point, nous pouvons noter des répétitions de gestes similaires : on brise le même type d'objet de la même manière et cela de façon répétée. Par le prisme du matériel et de son emploi, nous avons ainsi accès au cadre rituel qui est observé lors de l'accomplissement des actes commémoratifs au sein de l'espace. De plus, l'étude spatialisée de ces gestes permet d'approcher le cadre fonctionnel de l'espace funéraire : on n'accomplit pas les mêmes gestes partout dans l'enclos funéraire ni dans toutes les circonstances. La pratique autour des stèles est ainsi différente de celle réalisée dans la partie réservée au bûcher à l'arrière de l'espace alors que l'entrée de l'enclos ouvrant sur la route est réservée à des actes collectifs. Enfin, par l'étude exhaustive des traces nous mettons en évidence que les fragments résultant du bris sont laissés en place, sans opération de nettoyage. Toutefois, la non complétude systématique des objets reconstitués nous conduit à considérer l'hypothèse d'un prélèvement de quelques fragments immédiatement après le bris. Nous mettons ainsi en évidence des similarités fortes dans la pratique de l'espace funéraire.

Ces gestes recèlent aussi d'infimes variations qui sont autant d'originalités dans le détail de leur réalisation : on va préférer briser plus de flacons à parfum près d'une tombe alors que près d'une autre ce sera plus de gobelets à parois fines ; certains objets sont brisés en les frappant ou en les jetant sur la stèle alors que d'autres sont écrasés sur le sol.

Les similarités dans la pratique répétée de gestes de commémorations ainsi que leurs variations plus subtiles, nous montrent toute la complexité de l'espace vécu qui dépasse le cadre rituel ou fonctionnel. Les milliers de traces laissées sur les niveaux de fréquentation sont autant de témoins d'une pratique sensible, d'un véritable dialogue entre l'officiant et le défunt prenant place dans l'espace funéraire et dont l'objet est le média privilégié.


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